Grands corps, grandes écoles, le conservatisme français
Je voudrais ici apporter un léger bémol à l’affirmation selon laquelles les écoles dites grandes n’ont manifesté aucun intérêt pour l’informatique, sans perdre de vue qu’il s’agit d’un exemple à la fois personnel et ponctuel.
Je suis entré en 1964 dans ce qui s’appelle aujourd’hui l’Ecole Normale Supérieure de Cachan, mais qui à l’époque s’appelait l’Ecole Normale Supérieure de l’Enseignement Technique (ENSET). Dès cette époque l’organisation de la scolarité dans cette école s’était soucié de nous donner sinon une formation, du moins un aperçu de ce que pouvait être l’informatique à cette époque, puisqu’elle avait demandé à un chercheur de la faculté d’Orsay, Daniel Taupin, de venir nous faire quelques exposés sur la question. La motivation ne devait pas être très forte cependant, ou l’organisation très déficiente, puisqu’aux heures de certains ces exposés certains, dont je fus, avaient d’autres obligations ( interrogations orales vulgairement appelées "colles" dans le jargon local ). Le résultat fut à l’inverse de ce qu’on pouvait craindre puisque cette information parcellaire n’a fait qu’aiguiser mon envie d’en savoir plus sur le sujet et m’a finalement conduit à une carrière dont une bonne partie s’est déroulée dans le domaine de l’informatique.
Il y aurait bien plus à dire sur Daniel Taupin par ailleurs, personne aux multiples talents, que j’ai eu ultérieurement comme collègue à la fac d’Orsay, mais je n’en retiendrai qu’une chose ici. Il partage avec moi une des retombées du système des grandes écoles et du passeport pour la vie entière que ce système procure. Lui aussi était un produit de ce système, ancien élève de l’ESPCI. L’un comme l’autre, nous avons profité de cette rente viagère que procure ce passage pour nous intéresser et nous former dans une discipline nouvelle qui nous plaisait, sans souci de rentabilité immédiate mais en tout cas en ce qui le concerne, pour le plus grand profit de la collectivité, en ce qui me concerne, étant à la fois juge et partie, je me garderai de toute affirmation.