À propos de l’hégémonie américaine dans le cyberespace
Bonjour,
j’ai lu cet article et votre livre "L’Internet, vecteur de puissance des États-Unis" et j’ai quelques questions.
Tout d’abord vous abordez le fait que les institutions de l’Internet sont essentiellement dirigées/liées par les États-Unis. Ma question est : comment cela se traduit en terme d’influence ? Avez-vous des exemples de situations où l’influence américaine a permis d’avantager les industriels américains ?
Par exemple existe-t-il un précédent où cette influence a permis de favoriser une norme qui arrangeait les États-Unis aux dépends des autres États ?
Vous trouverez des éléments de réponse à vos questions dans quelques articles de mon site, notamment Participation à l’IETF par pays. Cet article date un peu, je me propose de le mettre à jour, mais il indique les sources des données utilisées, qui vous permettront assez facilement de vous faire votre propre idée.
Puisque vous connaissez mon livre L’Internet, vecteur de puissance des États-Unis, vous pouvez aussi consulter le chapitre 8, qui évoque des phénomènes de guerre économique pour l’hégémonie dans un domaine industriel stratégique. Je vous invite également à consulter les articles L’affaire Huawei est gravissime et Affaire Huawei : derniers rebondissements, plus récents et qui abordent le sujet. Voyez aussi L’Union européenne, colonie du monde numérique ? et, plus récent, L’informatique, première industrie mondiale.
En fait, l’Internet, et plus généralement l’industrie informatique, sont le champ de bataille de la lutte pour l’hégémonie mondiale, qui se déroule simultanément sur les terrains technique, réglementaire, économique, monétaire, normatif. Il est difficile d’isoler « des exemples de situations où l’influence américaine a permis d’avantager les industriels américains », puisque sur le plan technique l’ensemble du domaine est entièrement défini par des normes écrites par des auteurs américains, employés d’entreprises américaines, et que jusqu’à une date récente l’industrie mondiale des réseaux était de façon très majoritaire américaine. Mais l’ascension de Huawei remet les choses en question.
On peut observer un phénomène frappant : en 2000, l’industrie des télécommunications n’était pas encore convertie à l’Internet, et les leaders mondiaux en étaient Alcatel, Ericsson, Nokia et Nortel. Les Américains, Cisco en tête, n’ont pas lutté sur leur terrain : simplement, l’ensemble du système mondial de télécommunications s’est déplacé vers les infrastructures de l’Internet, et aujourd’hui les leaders sont Huawei et Cisco.
Les choses sont en train de changer ; l’affaire Huawei montre que la Chine entend bien tenir sa place : Huawei est clairement le leader mondial pour la 5G, et les Américains sont très en retard.