Intelligence artificielle, intelligence humaine : la double énigme
Bonjour Laurent
J’avais repéré ce livre suite à sa mention sur France Culture (merci à cette indispensable radio) il y a quelques semaines et viens d’en achever la lecture. Comme toi je trouve que c’est un livre que doit avoir lu toute personne s’interrogeant sur ce qu’Andler nomme, insistant sur le trait d’union inspiré de celui du chat-huant, "intelligence-artificielle".
La première partie est une histoire de la discipline très approfondie, expliquant les réussites et les échecs, les discussions entre les protagonistes, et synthétisant tout cela en opposant les symbolistes et les connexionistes. C’est très pédagogique et très bien documenté. Je regrette seulement qu’une troisième branche de la discipine ne soit évoquée que rapidement, branche qui a divers noms dont celui d’intelligence augmentée, qu’Andler signale être à la frontière de ce qu’on appelle l’interface homme-machine. Cette branche me semble importante parce que contrairement aux deux autres, elle ne fait pas dans la promesse sans cesse repoussée d’un but à atteindre, et fournit déjà des concepts nouveaux.
Ce petit point faible en première partie est d’autant plus surprenant que la seconde, plus fondée sur les sciences cognitives, consiste essentiellement à montrer pourquoi les deux premières branches ont peu de chances d’atteindre le but revendiqué, pourquoi il n’est pas souhaitable qu’elles y arrivent, et pourquoi il vaudrait mieux restreindre leur utilisation à quelque chose qui est en fait l’intelligence augmentée mentionnée auparavant, sans faire remarquer qu’on retombe dessus. Je regrette aussi dans cette deuxième partie que certaines affirmations soient moins étayées et moins documentées que dans la première, certaines me paraissant très discutables. Autre point un peu contrariant, mais évidemment on ne peut être omniscient, les dimensions économiques et sociologiques qui conditionnent l’évolution de la discipline sont peu discutées, l’aspect "sciences humaines" se limitant pour l’essentiel à la psychologie. J’ai eu en revanche la satisfaction d’y voir mentionné l’aveu des acteurs de la discipline qu’ils doivent l’essentiel de leurs progrès à celui du matériel informatique, point de vue que je défends depuis un moment comme tu sais, et non à des idées vraiment nouvelles. En bref, artificial intelligence relies on brute-force, ce qui est quelque peu contradictoire.
Malgré ces petites réserves, un livre indispensable.