Bonsoir Laurent,

quand j’ai lu votre excellente chronique j’ai eu envie comme vos autres amis de rajouter mon grain de sel.
Mais j’ai vite été saisi par l’inutilité de la chose tant il est évident que les mots nous manquent, ils ont perdu de leur capacité à partager les sentiments liés à cet événement. Les mots puissants du directeur de l’ONU, de l’office pour les réfugiés, d’Oxfam, MSF et beaucoup d’autres , ces mots sont si j’ose dire « tombés au champ de bataille » sans faire leur office.

Finalement j’y reviens un peu tardivement, pas pour le commenter, mais pour partager un certain nombre de choses qui m’ont traversé et voir comment ça vous parle.

La portée de l’événement dépasse évidemment très largement les conséquences régionales.
C’est un schisme, une rupture profonde, qui était déjà présente bien sûr, mais qui s’accentue violemment à l’occasion de cet événement entre la grande majorité des habitants de la planète et les quelques européenno-américains qui prétendaient tout régenter.

Il y aura un avant et après Gaza ce sera discuté, enseigné, illustré pendant de nombreuses années comme il y a eu un avant et après Hiroshima en quelque sorte.

L’impact sur la population de la planète est en effet considérable, Les États-Unis sont les grands perdants, ils ont sous-estimé les capacités du Sud global comme on dit, à se démarquer de l’Occident, sous-estimé la maturité politique naissante et l’accès nouveau à l’information qui permet maintenant de remettre en question les positions de maître de l’Occident et d’esclaves du Sud : une fin d’esclavage dans le fonds, le masque soigneusement forgé par Hollywood est écorné, le vrai visage du maitre se discerne mieux et conduit les esclaves à s’émanciper, à avoir une opinion personnelle, un desaccord.

Au niveau individuel (pour moi-même c’est moins grave bien sûr) le sentiment dominant est celui de la honte : comment est-il possible que nos dirigeants regardent ostensiblement ailleurs, Comment puis-je supporter d’être assimilé à leur tribu, et par la supposé de partager leur attitude. On suppose qu’il y a des intérêts supérieurs qui les a contraint à agir de cette façon, ce qui me conduit à dire que je préférerais être membre d’une tribu moins riche mais plus propre.
Au niveau français je dois reconnaître mon immense naïveté, on m’avait bien dit que les médias étaient contrôlés, mais là je suis tombé des nues je ne pensais pas que le contrôle pouvait aller aussi loin.
je preferais habiter dans un pays ou mon gouvernement s’exprime de façon aussi claire
que le ministre des affaires étrangères chinois qui a réitéré, l’appel de Pékin à un « cessez-le-feu immédiat » à Gaza. « Le fait qu’aujourd’hui, au XXIe siècle, cette catastrophe humanitaire ne puisse être arrêtée est une tragédie humaine, plus encore, c’est une honte pour la civilisation »,
et non dans un pays ou, suite a l’assassinat de 140 civils affamés par l’armée, le gouvernement français décide d’accroitre la protection de la communauté juive vivant a Paris. Il nous manque un Villepin qui fasse un show moral,meme si ca ne sert à rien, on se sentirait moins mal…

Au niveau de nos intellectuels ou supposés tels je suis consterné que aucun n’ait pris le temps d’expliquer la différence qu’il y a entre 3 entités : l’état, la religion, la race.

Il y a aussi la taille considérable de l’hypocrisie, les déclarations tonitruantes de Kamala Harris, de Blinker, et de Biden aussi, d’avoir l’air de sympathiser, d’exiger scrogneugneu un cessez-le-feu, alors que le stock de bombes doit être renouvelé tous les 6 jours….il suffit d’arrêter de livrer ….Les déclarations de solution a deux états en sont d’autant plus choquantes : comment prétendre imposer un retrait des colonies, quand on ne veut pas arrêter un mouvement militaire que l’on contrôle a 100% ?

Il y a aussi l’exemple donné : l’indifférence dont nos gouvernements font preuve vis-à-vis des pertes humaines montre à la Russie notre niveau de non-réactivité, Il augmente ainsi d’autant son agressivité vis-à-vis des populations civiles en Ukraine.

Je partage enfin ces quelques réflexions pour vous sonder sur le point finalement le seul important : que peut-on faire ? Il y a là aussi un changement important dans la conduite du monde dans lequel nous avons baigné depuis notre enfance : cette fois-ci nous sommes certains que l’on peut compter sur nos gouvernements EU et US pour ne pas arrêter les choses, après 4 mois de ce régime je pense que la preuve est faite. Donc on ne peut pas se contenter d’attendre de vérifier qu’ils ne feront rien, il faut se mobiliser au niveau individuel, imaginer de nouveaux moyens de se faire entendre. Nous ne sommes pas complètement démunis et nous avons l’avantage du nombre,
La plupart des gens approuvent l’embargo mis sur la Russie, eh bien on peut mettre un embargo pas seulement sur Israël, mais aussi sur les États-Unis. Je pense que dans le sud global c’est déjà appliqué par certains et cela pourrait s’accélérer. Sur ce thème je vous conseille l’article très détaillé et très bien écrit de Naomi Klein qui au passage reprends l’historique de cette initiative https://www.theguardian.com/commentisfree/2024/jan/10/only-outside-pressure-can-stop-israels-war-crimes »
je suis bien d’accord aussi avec Laurent sur la justesse et l’intérêt de l’analyse de Jean-Pierre Filiu, comme certains ne liront pas son livre je vous conseille l’interview d’une heure qui n’est pas mauvaise https://www.youtube.com/watch?v=grBzh96rc6w

Derniere pensée : qu’on le veuille ou non, nous sommes dans le camp des mechants, des salauds