La seconde scène de Long Way Home montre le face-à-face hostile d’une jeune fille afro-américaine, Angel, debout dans le bureau d’un fonctionnaire, afro-américain lui aussi, dont on comprend assez vite qu’il supervise sa mise en liberté conditionnelle (probation), et qui énumère les nombreux délits qui lui ont valu d’être incarcérée : détention et vente de stupéfiants, détention d’armes à feu, vols à l’étalage, etc. Une discussion s’engage avec une dame fonctionnaire, également afro-américaine, pour savoir si Angel ne pourrait pas aller habiter chez sa sœur, Abby, mais celle-ci n’a que dix ans, elle est placée dans une famille d’accueil, à Philadelphie, où se déroule l’action.
Lorsqu’Angel arrive chez un petit truand blanc pour lui acheter un pistolet, on se rappelle la première scène du film, qui évoquait sa mère, assassinée, sans doute par son mari, mais la justice a conclu à l’absence de preuve. Angel veut faire sa propre justice et venger sa mère.
Angel est homosexuelle, elle cherche à revoir une ancienne amie d’avant sa détention, mais celle-ci a d’autres intérêts et ne veut pas se compliquer la vie avec Angel, qui doit dormir dans la rue et gagner quelques dollars par des expédients peu légaux.
Puis Angel se rend chez Abby. Plusieurs enfants sont dans cette famille d’accueil, les adultes sont absents, l’ambiance est glauque, Abby explique à sa sœur que les enfants sont réputés perturbés, parce qu’ainsi la rémunération de la famille d’accueil est accrue, et les enfants revendent les médicaments psychotropes au marché noir pour se faire de l’argent de poche, diminué d’un pourcentage pour les adultes qui les hébergent.
En fait, Angel veut obtenir d’Abby l’adresse de son père, que l’administration judiciaire a refusé de lui donner. Abby lui dit que c’est à Long Island. Les deux sœurs vont prendre le car qui les mènera de Philadelphie à Long Island. Ce voyage leur réservera des aventures que je ne peux dévoiler ici sans vous gâcher le film.
Quelque temps après que j’aie vu Long Way Home (bizarrement c’est le titre français, le titre original du film est Night Comes On), une petite-fille de ma femme avait vu au lycée Pickpocket de Robert Bresson et devait en faire le compte-rendu ; le rapprochement entre les deux films m’a sauté aux yeux, il s’agit dans les deux cas de l’histoire d’un personnage en perdition qui sera sauvé par amour : « Oh, Jeanne, pour aller jusqu’à toi, quel drôle de chemin il m’a fallu prendre », dit Michel sur la dernière image de Pickpocket où Jeanne lui rend visite en prison.
Jordana Spiro déclare « j’aimerais que l’on sorte de mon film en ayant un autre regard sur les personnes dont on s’écarte dans la rue, sans savoir ce qu’elles ont au fond d’elles ».