Dans le numéro d’automne 2006 de Commentaire Hubert Heilbronn a écrit un article consacré à Paul Claudel, ses rapports avec les Juifs et son regard sur eux, de la lecture duquel Claudel sort grandi moralement à mes yeux, même si je reste rétif à son style. À cet article je dérobe une citation de Léon Bloy, extraite du texte Le Salut par les Juifs, écrit en réponse à La France juive, le pamphlet antisémite d’Édouard Drumont :
« L’histoire des Juifs barre l’histoire du genre humain comme une digue barre un fleuve, pour en élever le niveau. Ils sont immobiles à jamais et tout ce qu’on peut faire c’est de les franchir en bondissant avec plus ou moins de fracas, sans aucun espoir de les démolir.
On l’a suffisamment essayé, n’est-ce pas ? et l’expérience d’une soixantaine de générations est irrécusable. Des maîtres à qui rien ne résistait entreprirent de les effacer. Des multitudes inconsolables de l’Affront du Dieu vivant se ruèrent à leur tuerie. La Vigne symbolique du Testament de rédemption fut infatigablement sarclée de ces parasites vénéneux, et ce peuple disséminé dans vingt peuples, sous la tutelle sans merci de plusieurs milliers de princes chrétiens, accomplit, tout au long des temps, son destin de fer qui consistait simplement à ne pas mourir, à préserver toujours et partout, dans les rafales ou dans les cyclones, la poignée de boue merveilleuse dont il est parlé dans le Saint Livre et qu’il croit être le feu divin.
Cette nuque de désobéissants et de perfides, que Moïse trouvait si dure, a fatigué la fureur des hommes comme une enclume d’un métal puissant qui userait tous les marteaux. L’épée de la Chevalerie s’y est ébréchée et le sabre finement trempé du chef musulman s’y est rompu aussi bien que le bâton de la populace.
Il est donc bien démontré que rien n’est à faire, et, considérant ce que Dieu supporte, il convient, assurément, à des âmes religieuses de se demander une bonne fois, sans présomption ni rage imbécile et face à face avec les Ténèbres, si quelque mystère infiniment adorable ne se cache pas, après tout, sous les espèces de l’ignominie sans rivale du Peuple Orphelin condamné dans toutes les assises de l’Espérance, mais qui, peut-être, au jour marqué, ne sera pas trouvé sans pourvoi. »
Claudel lui-même, le 24 décembre 1941, terminait une lettre au Grand Rabbin Schwartz par ces mots :
« Je ne serai pas toujours irrité », a dit le Seigneur, par la bouche de son Prophète.