C’est en écoutant un podcast du Nouvel Esprit public de Philippe Meyer que j’ai entendu Béatrice Giblin recommander cet essai laconique de la journaliste Tania de Montaigne : je ne saurais trop vous en recommander la lecture. Les clichés racistes sont tellement enfouis dans la culture que nul n’est parfaitement immunisé contre eux, et qu’ils peuvent surgir de notre inconscient, pour notre plus grande honte. Et il y a des choses auxquelles on ne pense jamais si on n’y a pas été confronté. Je pense par exemple au passage du livre de Tania de Montaigne où elle raconte comment, toute jeune adolescente, après s’être fait moquer de ses cheveux par ses camarades de classe, elle avait décidé de les faire défriser ; après avoir économisé l’argent nécessaire, elle entre dans un salon de coiffure près de chez elle : la patronne lui dit : « on ne coiffe pas ça ! » ; elle était devenue une chose, « ça ». Cette anecdote rejoint la revendication de Rokhaya Diallo pour que le CAP de coiffure comporte une épreuve obligatoire consacrée aux cheveux des peuples noirs : elle a suscité des réactions ironiques, mais si l’on a subi une humiliation telle que celle relatée par Tania de Montaigne, on n’a guère envie d’en rire.
Si Tania de Montaigne pourchasse les clichés racistes, elle n’est pas pour autant indulgente avec les identitaires de tout poil et de toute couleur, tels ces militants de l’appropriation culturelle qui, plus dans les pays anglo-saxons qu’en France (mais peut-être ne perdons-nous rien pour attendre), prétendent interdire à telle chanteuse blanche de se faire des tresses à la mode africaine, voire à tel cuisinier non-japonais de préparer des sushis sans autorisation... de qui, au fait ?
Bref, une lecture salubre, qui en peu de pages remet bien des idées en place.