Mohammad Bamm est poète, son épouse Nâzanine est photographe, les Éditions Filigranes [1] viennent de publier un recueil de poésies de Mohammad, illustré par les photos de Nâzanine. Les poèmes sont traduits en français par Behi Djanati Ataï, mais même si vous ne lisez pas le persan vous pourrez admirer la belle typographie de l’original.
La poésie de Mohammad Bamm relève selon moi du domaine lyrique, la belle préface de Mehdi Mousavi nous apprend son appartenance au « Ghazal postmoderne ». Elle peut évoquer les séjours du poète dans les prisons de son pays :
On ne peut se fier aux punaises des couvertures
On ne peut se fier aux punaises des couvertures
On ne peut se fier aux sanglots enchevêtrés aux couvertures
Voués à introduire la graine d’identité en-deçà de nous
ou l’arrachement, l’exil :
Nous, debout en équilibre sur le ruban des larmes d’une femme
Nous, debout plantés pieds nus dans la boue d’un cloaque
Nous, debout tous deux sur la terre de notre patrie
[Le dernier instant passé à l’unisson dans le cadre]
et aussi l’amour de son épouse :
Compagne des jours étrangers
Ô Nâzanine douceur de tous les chants
Ô toi la gorge serrée de sanglots
Réconfort de mes larmes nocturnes
Mohammad Bamm a passé sa prime jeunesse à Abadan, à l’extrême sud-ouest de l’Iran, au bord du Chatt-el-Arab (Arvandrūd en persan), l’inspiration poétique lui est venue à l’improviste pendant ses études à l’université, elle lui a valu deux séjours en prison, l’expérience de la torture, la révocation de son emploi d’enseignant, et finalement l’exil. Réfugié en France, il a été accueilli par la ville de Poitiers dans la résidence d’écrivains et d’artistes que celle-ci a créée dans la maison où j’ai passé mon enfance, et que la municipalité a achetée en 2005. C’est ainsi que j’ai fait la connaissance de la famille Bamm.
Les photos en noir et blanc de Nâzanine Bamm sont très belles, je les qualifierais de romantiques, mais c’est une opinion de profane. Elles me font penser à celles de François-Xavier Bouchart pour son album Marcel Proust - La figure des pays, mais plus sobres, sans artifices techniques, et c’est mieux. Vous pouvez vous faire votre propre opinion en les regardant sur le site de l’éditeur, ici. Je dois dire qu’elles me touchent particulièrement parce que c’est la maison de mon enfance, où mes parents ont vécu jusqu’au début de ce siècle. Nâzanine Bamm a photographié aussi bien l’intérieur de la maison que le parc, on aperçoit les silhouettes furtives de son mari et de sa petite fille. En cette fin d’été ce petit livre devrait pouvoir vous faire rêver.