Blog de Laurent Bloch
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ISSN 2271-3980
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Notre moniteur de ski de fond
Robert Burlet 1940-2016
Esprit incisif et généreux
Article mis en ligne le 17 février 2016
dernière modification le 18 février 2016

par Laurent Bloch

Robert Burlet était notre moniteur de ski de fond, et en arrivant à Pralognan il y a quelques jours nous avons appris sa mort.

Après des années de ski alpin, je pensais que le ski de fond serait bien plus facile : rien n’est plus faux, c’est différent ; les skis de descente se gouvernent beaucoup par les talons, les skis de fond plutôt par les orteils. Dès qu’on lève le pied il faut du tact, et s’arrêter n’est pas toujours simple.

Robert était un homme exceptionnel, à l’esprit incisif, caustique, et d’une grande générosité. Une année, deux jours après le début des cours, un adolescent vint rejoindre notre groupe. Il avait quelques difficultés, Robert lui accordait une attention particulière et finalement il arrivait à passer à peu près partout. Ce n’est qu’à la fin de la semaine que nous apprîmes que l’origine de ses difficultés était sérieuse : il était aveugle, et trisomique léger. La monitrice qui l’avait dans son groupe au début de la semaine, pourtant excellente pédagogue, institutrice de profession, avait renoncé à le faire tenir sur les skis. Robert avait réussi, et, le plus extraordinaire, sans que nous nous apercevions de quoi que ce soit.

Moniteur de ski nordique l’hiver, Robert était guide de haute montagne l’été, mais il ne nous l’avait jamais dit. Auparavant, après le bataillon de Joinville, il avait servi quinze ans au peloton de gendarmerie de Haute Montagne (PGHM) de Chamonix. Le PGHM, ce sont ceux qui vont secourir les alpinistes en perdition et récupérer les corps de ceux que l’avalanche ou la chute de pierres a emportés, un métier dangereux où on ne voit pas que du rose. Il n’en parlait jamais, pas plus que de sa fille Delphine, plusieurs fois sélectionnée en équipe de France de biathlon et sur le podium aux Jeux Olympiques (Lillehammer 1994) et aux championnats du monde (1993, 1999).

Dans le TGV qui nous emmenait vers Moûtiers, avant donc la mauvaise nouvelle, je pensais à lui et ne voyais qu’une personne à qui le comparer, Louis Pouzin : même accomplissement dans la voie choisie, même modestie consciente de sa valeur, même esprit ironique insupportable aux gens qui se prennent au sérieux, même générosité discrète (j’arrête là parce que si Louis Pouzin tombe sur ces lignes il risque de ne pas être content).