L’antisémitisme est le nom du racisme lorsqu’il s’attaque aux Juifs. Pourquoi cette manifestation particulière du racisme porte-t-elle un nom spécifique ? Il y a sans doute plusieurs raisons, mais au moins une de force majeure : le terme antisémitisme a été créé dans les années 1860, par un auteur juif autrichien, pour qualifier les écrits d’Ernest Renan, alors que le mot racisme n’apparaît que dans les années 1890, sous les plumes de Drumont et de Maurras.
Benjamin Netanyahu à la commémoration de la rafle du Vél d’Hiv,
Racisme, une parole libérée,
Racisme, suite.
L’expression publique du racisme sous toutes ses formes, notamment l’antisémitisme, est condamnée par les lois de la République, et les manifestations récentes d’antisémitisme doivent donc conduire leurs auteurs devant les tribunaux.
Le sionisme est une doctrine politique, au même titre que le socialisme, le royalisme, le libéralisme, etc. En régime démocratique les citoyens sont libres d’être favorables, hostiles ou indifférents à toute doctrine politique. Il est donc légitime d’être sioniste ou antisioniste, et l’idée agitée par certains parlementaires d’une loi qui interdirait les propos antisionistes est contraire à la démocratie.
La doctrine sioniste est représentée principalement par l’État d’Israël et par son gouvernement. Être antisioniste aujourd’hui, c’est essentiellement être hostile à la politique du gouvernement israélien. Parmi les aspects critiquables de cette politique, on peut citer le statut de citoyens de seconde classe des Palestiniens de nationalité israélienne, le statut de sujets coloniaux sans droits des Palestiniens des territoires occupés, l’implantation de colonies israéliennes dans les territoires occupés, l’application du principe de responsabilité collective aux familles des Palestiniens qui se sont opposés par la force à la police ou à l’armée israéliennes, etc.
Si la loi d’interdiction de l’antisionisme était adoptée, critiquer la politique israélienne serait un délit de droit commun. Rappelons qu’à une époque pas si lointaine la loi interdisait la critique de chefs d’État amis du gouvernement français, et que des livres qui révélaient les crimes de Mobutu ou d’Hassan II ont été interdits ; mais leurs auteurs n’ont quand même pas été jetés en prison, et aujourd’hui personne n’accepterait plus une telle législation. Pourquoi en irait-il autrement pour la politique israélienne ?
Il ne m’échappe pas que des auteurs de propos antisémites désireux d’éviter les rigueurs de la loi emploient le terme « sioniste » en lieu et place de « juif », pour donner une apparence de légitimité à leurs propos, dont par ailleurs tout le monde comprend l’orientation. J’admets que c’est gênant, mais est-il raisonnable et même possible de réglementer l’usage du langage ? Après tout, en régime démocratique, il est toujours possible de porter les cas litigieux devant les tribunaux, et le juge dispose d’une liberté d’appréciation des faits qui lui sont soumis qui devrait lui permettre de mettre au jour et de condamner les manifestations retorses d’antisémitisme camouflé en antisionisme.