Le réalisateur anglo-iranien Babak Jalali trace dans ce film le portrait de Donya, une ancienne traductrice afghane au service de l’armée américaine, qui a pu quitter Kaboul par un vol d’évacuation au moment de la chute de la ville, contrairement à plusieurs de ses collègues qui finiront assassinés par les talibans. Si elle avait accepté ce travail, c’était pour gagner sa vie, mais surtout pour trouver une occasion de quitter l’Afghanistan, devenu invivable.
Disons tout de suite que Babak Jalali a beaucoup de talent et que son film est une grande réussite formelle. Tant sa photo noir et blanc riche de nuances que son humour scénographique font beaucoup penser à Jim Jarmusch, cf. la bande annonce. Ses personnages ont toujours l’air un peu décalés par rapport à leur situation dans le monde réel, un psychiatre semble plus perturbé que sa patiente, un garagiste se soucie peu de vendre ses produits à la clientèle pourtant de bonne volonté.
Comme beaucoup de réfugiés afghans, Donya vit à Fremont, une ville de Californie proche de la Silicon Valley et de la Bay Area, et elle travaille dans une petite usine de Fortune Cookies possédée par un Chinois. Une vieille femme chinoise saisit sur un ordinateur des petites phrases en forme d’oracles, qui une fois imprimées et découpées seront insérées par des ouvrières moins gradées dans des petits gâteaux, afin que les mangeurs des gâteaux puissent en inférer leur avenir, radieux mais pas trop.
Un jour la vieille dame chinoise tombe raide morte sur le clavier de son ordinateur. Donya est appelée à la remplacer, ce qui lui donnera l’occasion d’émettre un message personnel par voie de gâteau...
Outre la vie à l’usine de gâteaux et des conversations avec une collègue plus âgée qui lui donne des conseils matrimoniaux, sa vie sociale se résume à dîner dans une cafétéria tenue par un vieil Afghan avec qui elle regarde une série afghane qui en est à son 600ème épisode.
Comme elle a perdu le sommeil, elle obtient un rendez-vous avec un psychiatre bizarre, qui entreprend de la ramener à la vie en l’identifiant à Croc Blanc, le chien-loup du roman de Jack London. Contre toute attente, la jeune femme s’identifie à l’animal, retrouve goût à la vie, renouvelle son style vestimentaire qui avait tendance à se réduire au bleu de travail des Fortune Cookies. Son visage s’anime, elle ose dire son fait à un compatriote qui affecte de l’ignorer parce qu’elle aurait trahi une cause quelconque, alors que sa survie est due à la présence des troupes de la coalition.
Et par le truchement d’un manœuvre malveillante qui se retournera à son avantage, elle rencontrera quelqu’un...
Un film beau, émouvant, plein d’espoir, courez-y !