Ce film, No Other Land, réalisé et produit par une équipe palestino-israélienne, montre la résistance d’un millier de Palestiniens à la plus grande entreprise d’expulsion de paysans de leurs terres menée par l’armée israélienne en Cisjordanie depuis 1967, à Masafer Yatta, un groupe de villages bédouins en bordure du désert du Négev, dans la zone C, division administrative de la Cisjordanie, définie par les accords d’Oslo II. La zone C représente aujourd’hui à peu près 60% du territoire, et abrite environ 6% de la population. Elle se trouve entièrement sous contrôle israélien, tant au plan civil que militaire.
Depuis 1980 les autorités israéliennes ont décrété Masafer Yatta « zone interdite » pour l’entraînement militaire, la « zone de tir 918 ». Ses habitants subissent des agressions répétées, expulsions manu militari, destruction de maisons par des bulldozers, arrachage de plantations, abattage de bétail. Depuis 2006, l’organisation de défense des droits humains B’Tselem a documenté la démolition de plus de 64 maisons et de 19 structures non résidentielles. Le prétexte de ces démolitions est généralement l’absence de permis de construire, qu’il est presque impossible d’obtenir. Les écoles et les cliniques, établissements de fortune, sont également sous le coup des menaces de destruction. Il y a ainsi une scène où une salle de classe remplie d’élèves en train d’écouter leur instituteur est subitement envahie par la soldatesque en armes qui expulse tout le monde ; au plan suivant un bulldozer anéantit l’école.
À ces exactions de l’armée vient s’ajouter la violence des colons, établis dans des avant-postes de colonies illégales. Certains d’entre eux, tel que Mitzpe Yair, Avigayil et Havat Ma’on sont en fait situées à l’intérieur de la « zone de tir 918 ». À aucun des colons israéliens installés dans la « zone 918 » il n’a été ordonné de la quitter depuis son établissement.
Basel Adra, l’auteur principal du film, filme en temps réel les exactions des militaires et des colons, de façon précaire, souvent bousculé ou chassé. Parfois il en est réduit à filmer avec son téléphone. Le film montre des familles démunies chassées de leurs maisons, des civils désarmés blessés par les tirs de l’armée, parfois mortellement. Et on voit les colonies illégales bâties sur les terrains soi-disant nécessaires aux exercices militaires, soit dit en passant de sinistres zones pavillonnaires...
Ce film montre la réalité de la colonisation et de l’apartheid, exercés de façon violente par l’armée et par les colons. Et on pourrait difficilement soupçonner ces malheureux Bédouins, qui luttent à chaque instant pour la survie, de trouver le temps de fomenter des complots terroristes...
Coproduction entre la Palestine et la Norvège, le film est sélectionné dans la section Panorama du 74e Festival international du film de Berlin, où il est présenté en première mondiale le 16 février 2024. Il remporte le prix du public Panorama du meilleur film documentaire et le prix du meilleur documentaire de la Berlinale.
Post-Scriptum : Depuis la réalisation de ce film les exactions de l’armée israélienne et des colons en Cisjordanie n’ont fait que redoubler, destructions dans les camps de réfugiés, des centaines de civils tués, des dizaines de milliers chassés vers nulle part, les chars dans Jénine... Israël se cache de moins en moins de vouloir annexer la Cisjordanie, de lui faire subir le sort qu’elle réserve également à Gaza, en chasser les Palestiniens.